Les chroniques économiques de Bernard Girard

8.1.13

Un air de printemps ?





L’essentiel de la presse économique, des observateurs et la plupart des économistes sont extrêmement pessimistes pour les mois qui viennent. Le chômage va continuer de progresser, la France va s’enfoncer dans la récession ou, au mieux, dans une croissance atone. Ils n’ont sans doute pas complètement tort : le chômage va certainement continuer de progresser, mais cette progression ne sera pas forcément synonyme de récession et de dégradation de l’activité. Il me semble même que l’on peut, d’ores et déjà, identifier plusieurs signes encourageants, signes qui me font penser que 2013 pourrait bien être de l’année de la reprise.

Lorsque l’on se lance dans ce genre d’analyse, il convient d’être prudent, mais quatre facteurs invitent à un certain optimisme : la reprise de l’activité hors de nos frontières, la bonne tenue de la consommation, les financements de l’investissement des entreprises et, enfin, la volonté de ces mêmes entreprises de s’adapter, d’adapter leurs produits au monde nouveau qui se dessine sous nos yeux, monde que nous n’attendrons pas sans beaucoup de casse, je veux dire sans doute de fermeture d’usines qui ont cessé d’être compétitives ou qui s’appuient sur des modèles économiques aujourd’hui dépassés. Le cas de Virgin est de ce point de vue exemplaire : si cette enseigne ferme, c’est que nous n’achetons tout simplement plus de disques… Mais entrons dans le détail.

La reprise des exportations
L’un des premiers signes annonciateurs de ce printemps dont je parle est la reprise de l’activité un peu partout dans le monde, en Inde, en Chine, aux  Etats-Unis, annonciatrice de progression de nos exportations. Ces pays ne sont pas nos premiers clients, mais la reprise de l’activité chez eux devrait avoir un double effet, direct sur nos exportations chez eux et indirect, par les biais des exportations de nos partenaires européens, de l’Allemagne, bien sûr, mais aussi des pays de la zone euro qui sont en train de sortir du précipice et qui allant mieux pourront augmenter l’importation de produits fabriqués chez nous. 

Je ne suis pas certain que l’on puisse en conclure que notre reprise sera tirée par les exportations, mais lorsque l’on regarde les données du commerce extérieur, on découvre que nos exportations ont augmenté en 2012 en valeur de 11% sur 2009, période de récession, et de 3% sur 2011. La reprise de l’activité ailleurs dans le monde annonce de nouvelles progressions.

Les plus pessimistes pensent que nous ne profiterons pas de ces reprises à l’étranger. Leur argument repose pour l’essentiel sur les « rigidités » de notre économie, sur la fiscalité, les 35 heures… qui nous interdiraient d’être compétitifs. Mais peut-être faut-il regarder de plus près ce qui se passe dans ces pays.
Pour en finir avec le ralentissement de sa croissance, la Chine a choisi de relancer la demande intérieure. Nous devrions en profiter. Les nouvelles classes chinoises fortunées sont avides de produits occidentaux, notamment de produits de luxe, un domaine dans lequel nous occupons des positions de leader. Mais il n’y a bien sûr pas que le luxe. On peut parier que beaucoup de producteurs de produits de consommation courante, européens, italiens, français profiteront de cette relance de la demande intérieure.

L’Inde présente un cas différent mais tout aussi intéressant : pour lutter contre le recul de sa croissance, ce pays a choisi de libéraliser un peu plus son économie, ce qui va donner à des sociétés européennes et notamment françaises la possibilité de s’installer et de vendre leurs produits dans de meilleures conditions. Carrefour est déjà sur les rangs et bien d’autres devraient suivre.
Au delà de la reprise, il y a donc dans ces pays une transformation profonde des politiques économiques qui devraient profiter à nos exportateurs.

La consommation
C’est l’inquiétude de tous les économistes et politiques : la consommation tiendra-t-elle ? Ceux qui en doutent font valoir la hausse du chômage et celle des impôts qui réduisent la capacité à consommer des Français. Reste à savoir, les facteurs positifs ne l’emporteront pas sur ces facteurs négatifs bien réels.
J’en vois trois : le recul de l’inflation, le taux d’épargne élevé des Français et la période de calme politique dans lequel nous sommes entrés.

L’inflation déjà basse tout au long de 2012 a encore baissé à la fin de l’année, pour atteindre 1,4%. C’est du à la baisse des prix de l’énergie, du pétrole mais aussi aux mesures prises par Free et, de manière plus générale, par tous les distributeurs qui ont cherché à baisser leurs prix pour attirer des clients.

Une inflation plus faible est naturellement favorable à la consommation, mais il n’y a pas que cela. Deux autres éléments devraient jouer en faveur de la consommation : l’épargne élevée des Français, à peu près 15% de leur revenu disponible, et la baisse des taux d’intérêt.

Lorsque l’on dispose d’une épargne représentant 15% de son revenu disponible, il y a de quoi gratter pour financer la consommation. Et s’il est vrai que le fait d’avoir un bas de laine ne conduit pas nécessairement à le dépenser, la crainte du chômage peut, au contraire, amener à le protéger précieusement, deux facteurs devraient jouer dans le sens de la consommation :
  •             le premier est la visibilité que nous avons sur les deux ou trois années à venir. Les années précédentes, on était dans l’incertitude quant à ce qui pouvait se produire : allions-nous vers la poursuite de la politique menée par Nicolas Sarkozy ou vers cette autre politique prônée par François Hollande ? Cette incertitude est levée. On nous avait promis des impôts nouveaux, ils sont là et ne bougeront dans les deux ou trois ans qui viennent. Ces impôts pourraient naturellement affecter la consommation, ils ne le feront pas parce qu’ils ne toucheront que marginalement les classes moyennes et affecteront surtout les classes les plus aisées qui ne réduiront pas d’autant leur consommation ;
  •            le second est la baisse annoncée et plus que probable de l’immobilier. Plus que probable parce que le marché s’est quasiment arrêté et qu’il ne pourra redémarrer que si les prix baissent mais aussi parce que le gouvernement a pris conscience des effets négatifs d’un coût de l’immobilier trop élevé : qui dit loyers ou remboursements de prêts trop élevés dit pression sur les salaires et réduction de la consommation sur d’autres produits. On devrait voir, dés 2013, baisser les prix de l’immobilier un peu partout en France, y compris à Paris, et ses premiers effets bénéfiques sur l’économie.

L’investissement  
A tout cela, les plus pessimistes peuvent opposer les défaillances d’entreprises toujours plus nombreuses et les difficultés que rencontrent les entreprises pour se financer. L’argument est solide mais il convient d’être regardé à la loupe.

Les défaillances d’entreprise participent de ce que Schumpeter appelait un processus de destruction créatrice : les entreprises qui disparaissent sont souvent condamnées, leurs produits ont vieilli, leur organisation est dépassée… L’impact social de ces défaillances est très lourd puisque ces entreprises sont installées un peu partout sur le territoire, mais leur dispersion même explique une bonne partie de leurs difficultés. Dans les années soixante et soixante-dix toutes les municipalités, petites ou grandes, on offert aux entreprises qui voulaient s’installer chez elle des facilités, terrain offert, taxes réduites… cela a effectivement attiré des entreprises, créé des emplois localement mais cela a aussi durablement affaibli l’industrie française ou, plutôt, la capacité de ces entreprises dispersées sur le territoire à grossir, à se développer et, aujourd’hui, à résister à la concurrence internationale. On ne trouve pas dans les villes de 10 000 ou 15 000 habitants dans lesquels se sont installées ces entreprises les services dont elles ont besoin pour se développer, on n’y trouve pas non plus les compétences nécessaires en marketing, en informatique, en gestion de la production… Nous ne payons pas seulement la crise, nous payons également une politique d’aménagement du territoire qui ne s’est pas souciée de créer un environnement favorable au développement des entreprises de taille moyenne. Ce qu’on appelle désindustrialisation est aussi la déconstruction de ces politiques d’aménagement du territoire initiées dans les années soixante et soixante-dix.

On me dira qu’il n’y a pas que cela, qu’il y a aussi le comportement des banquiers qui refusent d’accorder du crédit aux entreprises qui en ont besoin pour se développer. Sans doute, Mais là encore, il convient d’entrer dans le détail. Les crédits aux entreprises se sont contractés mais cette contraction a surtout concerné les grands groupes qui peuvent se financer ailleurs qu’auprès des banques : en émettant des obligations, en allant sur le marché… Le crédit aux PME n’a pas diminué. Ce qui ne veut pas dire que leurs dirigeants ne se plaignent pas. Ils le font avec vigueur et dénoncent volontiers les banques. Paradoxe ? Pas vraiment.

Il faut distinguer entre deux types de crédit : le crédit à l’investissement qu’une banque accorde à une entreprise qui souhaite développer une nouvelle activité, acheter une nouvelle machine pour produire mieux et plus vite et le crédit de trésorerie qui permet de payer les salariés à la fin du mois lorsque l’on n’a pas eu de recettes suffisantes.

Les banques n’ont pas arrêté le crédit à l’investissement, ce qui est important parce que ce type de crédit prépare l’avenir. Elles ont bloqué, ce qui est tout autre chose, le crédit à la trésorerie, ce qui veut dire qu’elles ont rendu plus difficile la vie de ceux qui avaient du mal à payer leurs créances. Ce faisant, elles ont accéléré les dépôts de bilan, cessation de paiement et autres situations critiques. Elles ont, au fond, procédé à un grand nettoyage et comme chaque fois que l’on fait un grand nettoyage on jette parfois le bébé avec l’eau du bain. Cela doit être corrigé et pourrait l’être par l’intervention du médiateur du crédit aux entreprises mais aussi par l’allégement des règles du secteur bancaire qui pourraient l’inciter à faire preuve de plus de souplesse. Reste, et c’est l’essentiel, que dés que dés lespremiers signes de reprise, les entreprises qui le voudont pourront trouver de quoi financer leur expansion.
J’ajouterai sur ce sujet, un dernier élément. La crise de l’euro s’est traduite par une baise très significative des investissements des entreprises américaines en Europe. Le Financial Times indiquait il y a quelques jours que 25% des entreprises américaines, des grandes entreprises s’entend, avaient augmenté leurs investissements en Asie et 3% leurs investissements en Europe. Maintenant que la crise de l’euro est terminée cette « bouderie » des grandes entreprises internationales devrait cesser et l’on devrait de nouveau voir de grandes entreprises américaines venir investir chez nous.

L’adaptation à un monde nouveau
Si les banques ont maintenu le niveau de leurs crédits à l’investissements, elles n’en ont pas moins fait preuve de plus d’exigences, exigences auxquelles les entreprises semblent avoir répondu. Bien loin de s’enfermer dans des organisations dépassées, elles ont tenté de s’adapter à la situation. Il est assez difficile de décrire ce mouvement de l’extérieur puisque cela dépend des entreprises, des secteurs, des métiers, mais il est un point sur lequel on peut deviner tout ce travail le plus souvent souterrain : celui de la propriété industrielle. Les entreprises, les grandes, bien sûr, mais aussi les petites, les moyennes, ont continué de déposer des brevets, elles en ont même plus déposés que les années précédentes. Or, ces dépôts de brevets ont une double intérêt : ils montrent, d’abord, que les entreprises n’ont pas cessé d’investir dans le développement de nouveaux produits, ils montrent aussi, et ce n’est sans doute pas le moins intéressant, qu’elles souhaitent se protéger et qu’elles sont disposées à investir dans cette protection. Elles souhaitent se protéger de la concurrence nationale mais aussi, et surtout, de la concurrence internationale.

Ces PME qui déposent des brevets sont souvent jeunes et très bien équipées en technologies de l’information, informatique, bureautique, internet… Le tissu industriel français se reconstitue lentement sous nos yeux avec des entreprises qui ont une vision beaucoup plus internationale que leurs prédécesseurs. Et on peut penser que la crise a accéléré ce mouvement.

Et les mesures du gouvernement ?
On aura remarqué que je n’ai jusqu’à présent rien dit, ou à peu près, des mesures prises par le gouvernement en matière notamment de lutte contre le chômage. Nous les connaissons tous et je ne m’étendrai pas longtemps sinon pour dire qu’elles ne seront pas sans effets sur l’emploi des jeunes peu qualifiés et des seniors même si l’on peut craindre qu’elles ne soient pas aussi efficaces que le souhaitent leurs promoteurs.

Permettront-elles, comme l’a promis François Hollande, d’inverser la courbe du chômage d’ici à la fin de l’année ? Bien malin qui peut le dire. Mais on peut imaginer un scénario rose où, conjuguées avec ces signes de reprise que j’ai décrits, elles contribuent à enrayer la chute de l’emploi. Est-il le plus probable ? ce n’est pas certain. Tout bêtement parce que nous sommes, comme je l’ai dit à une ou deux reprises dans un processus de destruction créatrice qui va toucher des secteurs entiers de l’activité, des régions, des villes et que les entreprises nouvelles susceptibles de créer les emplois de demain ont peu de chance de se trouver là où sont les emplois menacés aujourd’hui.

3 Comments:

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